mercredi 12 août 2015

La Pietà Rondanini de Michel-Ange dans son nouvel écrin à Milan


La dernière œuvre de Michel-Ange bénéficie désormais d'un musée à son nom au sein du complexe du Château des Sforza.





   La dernière Pietà de Michel-Ange, retrouvée inachevée dans son atelier romain à sa mort en 1564, est probablement l'une des œuvres les plus émouvantes de l'artiste. On y distingue deux corps fragiles et douloureux, aux visages indéfinis, deux personnages dont le plus frêle soutient l'autre, tous deux encore à peine émergés du bloc de marbre. Mort, le Christ glisse, les jambes abandonnées. Son torse étroit est strié de traces d'outils, et son dos est encore pris dans une épaisse gangue de marbre. La Vierge, penchée en avant, est elle aussi prisonnière de son fardeau de pierre, comme sans doute de son chagrin. Malgré son inachèvement – ou peut-être grâce à lui – le groupe dégage une émotion incomparable.

   Œuvre complexe, éminemment tragique, témoin des profondes réflexions de Michel-Ange sur la destinée humaine, la dernière œuvre du maître est aussi un précieux témoignage sur sa technique de travail. Des coups de pointes secs et vigoureux pour dégrossir le bloc, au passage plus léger de la gradine sur la peau des personnages, et jusqu'au polissage le plus achevé, notamment dans les jambes du Christ, toutes les étapes du travail du bloc de marbre sont simultanément présentes dans la Pietà Rondanini. Comme si, arrivé au terme de son existence, Michel-Ange faisait fi de toutes les règle, modifiant sans cesse sa composition, achevant telle partie et recommençant telle autre, jusqu'à aboutir au plus près de l'idée à laquelle il tentait de donner une réalité matérielle. Le bras droit du Christ, séparé du reste du corps, ou encore un deuxième visage de la Vierge, discernable dans la gangue de marbre qui entoure encore sa tête, témoignent miraculeusement de ces repentirs, de ces changements soudains de direction, de cette recherche permanente.





   Réapparue seulement en 1807 dans un inventaire de la collection de Giuseppe Rondanini à Rome, l’œuvre fut acquise par la Ville de Milan en 1952. À cette époque, la Pietà était encore très méconnue, car d'un accès moins facile que d'autres Pietà de Michel-Ange – notamment celle de Saint-Pierre et celle de Florence. C'est ainsi que Milan put acquérir sans véritablement de concurrence la dernière œuvre de l'un des plus grands sculpteurs de tous les temps. Longtemps exposée à la fin du remarquable parcours de sculpture du Museo d'Arte antica du Castello Sforzesco, mais sans véritablement de logique avec le reste de la collection, la Pietà Rondanini est depuis le mois de mai 2015 exposée au sein de son propre « musée » dans l'ancien hôpital du château.


   On y accède par la grande cour d'armes du château. Plutôt qu'un musée indépendant, il faut considérer cet espace comme une annexe du Museo d'arte antica. Restauré pour l'occasion, l'hôpital se révèle un écrin lumineux, à la fois suffisamment vaste pour offrir du recul sur l’œuvre, et assez réduit pour ne pas gâcher l'émotion intime et silencieuse qui émane d'elle. La Pietà apparaît d'abord de dos. Il faut s'avancer, s'approcher, pour mieux l'apercevoir. On peut tourner autour du groupe, en apprécier tous les détails, tous les points de vue, ce qui n'était pas possible dans la précédente muséographie. La discrétion et la sobriété de l'aménagement de Michele De Lucchi doit être saluée. On regrettera peut-être seulement que le socle traditionnel de la Pietà, un autel romain qui la soutenait depuis plusieurs décennies, ait été retiré au profit d'un socle assez banal, mais les conservateurs ont eu l'excellente idée de le présenter dans une petite salle adjacente.

   Quelques autres œuvres accompagnent la Pietà, notamment une version du Portrait de Michel-Ange en bronze, par Daniele da Volterra, dont le Louvre possède également un exemplaire.


   Le Castello Sforzesco offre ainsi désormais un écrin adapté à une œuvre majeure de ses collections, unicum extraordinaire dans une collection dominée, pour ce qui concerne la sculpture, par la production lombarde.



Lien : http://www.milanocastello.it/it/content/la-piet%C3%A0-ha-cambiato-casa

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